
Les polyphénols ont le vent en poupe. Ces composés organiques, qu'on retrouve dans de nombreux aliments de notre assiette, sont particulièrement appréciés pour leurs propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Ils jouent également un rôle dans la prévention et le traitement de certaines maladies.
Polyphénols : qu'est-ce que c'est ?
Les polyphénols, qu'on appelle aussi « composés phénoliques », constituent une famille de molécules organiques présentes en abondance au sein du règne végétal. Le terme est apparu pour la première fois en 1980, venant remplacer l'appellation aujourd'hui désuète de « tanin végétal ».
Dans la nature, les polyphénols permettent aux plantes de se protéger contre différentes agressions, telles que les maladies, les attaques d'insectes, les champignons ou encore les rayons UV. D'un point de vue chimique, ils sont composés d'au moins deux molécules de phénol, d'où leur nom de "poly"- phénols.

Composition chimique d'un polyphénol, le lignane (dibenzylbutan)
A ce jour, près de 8000 polyphénols ont été identifiés, et plus de 500 d'entre eux se retrouvent dans des plantes comestibles par l'Homme. On peut les classifier en 4 groupes :
Les flavonoïdes ;
Les acides phénoliques ;
Les stilbènes ;
Les lignines et subérines.
La grande famille des polyphénols

[©️ Collin, S ; Crouzet, J. (2011). Polyphénols et procédés, Agence Universitaire de la Francophonie.]
Parmi les flavonoïdes, on retrouve par exemple les flavanones, qui donnent au pamplemousse son amertume ; les tanins, qui sont responsables de l'astringence de certains fruits (dont le raisin) ; ou encore les anthocyanes, qui pigmentent les fruits en rouge.
Quels sont les bienfaits des polyphénols sur la santé ?
Il existe beaucoup de plantes comestibles riches en polyphénols. Or, ces derniers auraient de nombreux effets positifs sur la santé, notamment grâce à leurs potentiels effets antioxydants et anti-inflammatoires :
👉 Activité antioxydante :
Les scientifiques s'intéressent de plus en plus au pouvoir antioxydant des composés phénoliques. Bien qu'à ce jour, il n'existe encore aucun consensus sur le sujet, de nombreuses études mettent en lumière les bénéfices des polyphénols dans la lutte contre le stress oxydatif, qui est responsable de plusieurs maladies graves.
Le stress oxydatif Le stress oxydatif, ou stress oxydant, désigne l'excès de radicaux libres dans l'organisme. Si l'oxygène est essentiel à notre survie, il peut également nous tuer à petit feu. Certains dérivés chimiques de l'oxygène, qu'on appelle espèces réactives de l'oxygène (ERO), et parmi lesquelles on compte les radicaux libres, peuvent causer des dégâts à nos cellules. La présence de radicaux libres est inévitable, et se forme lors de la respiration, d'une inflammation, mais peut également être exacerbée par une mauvaise hygiène de vie (alcool, tabac, excès de viande rouge…) et certains facteurs environnementaux (pollution, soleil…). Pour éviter la multiplication de ces radicaux libres au sein de l'organisme (causant plusieurs maladies, dont le cancer), notre corps nécessite des antioxydants. Leur rôle est de ralentir ou de détruire les radicaux libres. Les antioxydants sont à la fois produits par l'organisme (enzymes et acides), mais ils peuvent être aussi apportés par notre alimentation sous forme de vitamines C et E, bêta-carotène et bien sûr, les polyphénols. |
Une étude française datant de 2008 a mis en avant le potentiel inhibiteur de plusieurs espèces de prunes - riches en polyphénols - dans le développement intracellulaire des espèces réactives de l'oxygène (ERO), c'est-à-dire celles qui causent des dégâts aux cellules. Ainsi, « la consommation de 100 g de prunes fraîches correspondrait en effet antioxydant à l’équivalent de 614 et 2 138 mg de vitamine C ». Les polyphénols auraient des propriétés antioxydantes beaucoup plus puissantes que certains micronutriments comme la vitamine C.
Deux méthodes sont souvent utilisées pour mesurer l'effet antioxydant d'une plante : la
méthode du piégeage du radical libre DPPH et celle de la réduction du fer FRAP. Grâce à cela, il a été possible de démontrer l'activité antioxydante de plusieurs espèces utilisées en médecine traditionnelle, telles que la Cassia sieberiana(Togo), la « nabta » (Algérie) ou encore le Tripodion (Tunisie). Les rapports de ces 3 études concluent tous à une bonne activité antioxydante de ces plantes.
👉 Activité anti-inflammatoire :
Outre leurs effets antioxydants, les polyphénols auraient aussi des propriétés anti-inflammatoires. C'est ce que révèle une étude de grande ampleur réalisée par un consortium européen de chercheurs, dont certains issus du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP). L'analyse de la concentration plasmatique des 315 participants a mis en lumière le lien entre consommation d'aliments riches en polyphénols et la faible présence de la protéine C-réactive haute sensibilité (hsCRP), dont la présence dans le sang est généralement le signe d'une réponse inflammatoire. Les résultats montrent que la quantité de ces hsCRP dans le sang étaient 29 % moins élevés avec la présence des polyphénols. En revanche, les chercheurs ont constaté que si certains polyphénols tels que l'acide phénolique et l’acide férulique produisent les résultats les plus marqués, la surconsommation de resvératrol (qu'on retrouve dans le vin) pourrait entraîner l'effet inverse.
Par ailleurs, un article publié en 2010 par Cambridge University Press préfère tempérer l'enthousiasme de la communauté scientifique autour des polyphénols. Les auteurs de la cette publication nous rappellent que la majorité des études concernant l'activité potentiellement anti-inflammatoire des polyphénols ont été réalisées in vitro, bien souvent sur des animaux ou à partir de données limitées. De plus, les doses administrées correspondent rarement à la quantité réelle ingérée par un individu. Ainsi, bien que les preuves en faveur des polyphénols s'accumulent, il faut encore attendre que la recherche dans ce domaine progresse avant de pouvoir en tirer des conclusions définitives.
Rôle préventif et thérapeutique des polyphénols
Outre les vertus antioxydantes et anti-inflammatoires des polyphénols, les scientifiques s'intéressent de plus à plus à la capacité de ces composés organiques à prévenir et lutter contre certaines maladies graves :
👉 Protection contre les risques cardio-vasculaires :
Aujourd'hui, il existe un relatif consensus sur le fait que la consommation d'aliments et de boissons riches en flavonoïdes joue un rôle dans la réduction du risque de développer des maladies cardio-vasculaires. Un condensé des preuves scientifiques à ce sujet a été publié par Véronique Habauzit et Christine Morand.
Les mécanismes de la protection cardiaque et vasculaire des polyphénols seraient dû à plusieurs facteurs :
Activité antioxydante et captatrice de radicaux libres.
Les polyphénols diminuent l'agrégation plaquettaire, qui est responsable de la formation de thrombus (caillots sanguins).
Ils contribuent à la protection et au bon fonctionnement des vaisseaux sanguins.
Ils stimulent la production de monoxyde d’azote, qui agit comme vasodilatateur.
En 2008, une méta-analyse portant sur 133 essais cliniques a permis de conclure à une amélioration de certains risques cardiovasculaires après consommation d’aliments ou boissons riches en polyphénols, tels que le cacao, les protéines de soja, le vin rouge ou le thé. On note néanmoins une variabilité des effets selon la classe de polyphénols et l'aliment consommés. Par exemple, la consommation de thé vert réduit les niveaux de LDL Cholestérol, tandis que l’extrait de protéines de soja fait baisser la pression sanguine.
👉 Lutte contre le cancer :
On sait aujourd'hui que l'alimentation peut contribuer à prévenir le cancer, et les polyphénols joueraient un rôle important dans ce processus. Dans une étude publiée en 2002, des chercheurs chinois ont suivi, pendant 12 ans, 18 244 hommes âgés entre 45 et 64 ans. Le but étant d'analyser la présence dans les urines des polyphénols du thé et de mettre en relief les données avec le développement de cancers de l'estomac et de l'oesophage. Les résultats sont probants et montrent « des preuves directes que les polyphénols du thé peuvent agir comme agents chimiopréventifs contre le développement du cancer gastrique et œsophagien. ». Une thèse de doctorat en Pharmacologie-pharmacocinétique, soutenue en 2012 à Strasbourg dans le cadre de l'École doctorale Sciences de la vie et de la santé, va également dans ce sens. Elle affirme que l'analyse des polyphénols de vin rouge, jus d'aronia melanocarpa et jus de cassis auraient démontré leur capacité à inhiber la prolifération des cellules cancéreuses.
👉 Longue vie aux polyphénols ?
De manière plus générale, les polyphénols permettraient tout simplement de vivre plus longtemps. Ces « molécules de longévité » ont été passées à la loupe de chercheurs italiens sur une population de 807 personnes âgées de 65 ans et plus, pendant une période de 12 ans. Ils ont observé que les personnes présentant les plus fortes concentrations urinaires de polyphénols avaient un risque de mourir prématurément 30 % moindre que celles qui présentaient un apport plus faible.
Dans quels aliments trouve-t-on des polyphénols ?
Plusieurs centaines de plantes comestibles contiennent des polyphénols, en plus ou moins grande quantité. Ils sont particulièrement présents dans le thé vert, les fruits rouges, le cacao, le vin rouge et la pomme.
Astuce : pour permettre une meilleure assimilation des polyphénols contenus dans le thé vert, n'ajoutez pas de lait ! En effet, les protéines ont la fâcheuse tendance à réduire l'effet antioxydant des composés phénoliques. |
Pour vous aider à mieux connaître la teneur en polyphénols des aliments courants, voici un tableau récapitulatif :
Aliment | Concentration en polyphénols* (mg EAG/100 g) |
Fraise | 263,8 |
Chou de Bruxelles | 257,1 |
Pomme | 179,1 |
Brocoli | 98,9 |
Banane | 51,5 |
Salade | 35,6 |
Orange | 31,0 |
Pomme de terre | 23,1 |
Asperge | 75,1 |
Ail | 59,4 |
Aubergine | 65,6 |
Échalote | 104,1 |
Persil | 280,2 |
Céleri | 84,7 |
Raisin | 195,5 |
Datte | 99,3 |
Litchi | 222,3 |
Cerise | 94,3 |
Oignon | 76,1 |
*Ces concentrations sont exprimées en mg d’équivalent d’acide gallique (EAG) par 100 g de légume.
Conclusion : à quoi servent les polyphénols ?
Les polyphénols naturels, présents dans le règne végétal, permettent avant tout aux plantes de se protéger contre les maladies et les agressions extérieures. Depuis plusieurs années, les chercheurs s'intéressent aux effets nutritionnels de ces composés organiques lorsqu'ils sont ingérés par l'être humain. Les études mettent en lumière leur activité antioxydante et anti-inflammatoire, même si d'autres données doivent encore confirmer ces thèses. Par ailleurs, de nombreux essais cliniques font ressortir les possibilités offertes par les polyphénols en termes de protection contre les maladies cardio-vasculaires et la prévention contre le cancer.
L'auteur : Sylvain Guillet est rédacteur Web santé et diététique, et le créateur de l'agence Nutrimots. Il met son expérience et ses compétences au service de l'amélioration des pratiques alimentaires, grâce à une approche claire et rigoureuse du monde de la nutrition. |