
A l'heure des Big Pharma et des antivax, le désamour pour l'industrie pharmaceutique ne cesse de s'accroître. C'est pourtant oublier qu'il y a 100 ans, une innovation qualifiée de miraculeuse voyait le jour : l'insulinothérapie, qui a marqué le début d'un traitement permettant de préserver la vie de centaines de millions de personnes atteintes de diabète. Retour sur cette belle page de l'histoire de la médecine.
Qu'est-ce que le diabète, et quand a-t-il été découvert ?
Le diabète est une maladie qui se caractérise par une élévation chronique du taux de glucose sanguin (glycémie). Chez une personne saine, la digestion d'un aliment va d'abord faire augmenter le taux de sucre dans le sang, avant que celui-ci ne redescende sous l'action d'une hormone régulatrice de la glycémie, l'insuline. Or, chez une personne diabétique, le pancréas ne produit pas suffisamment d'insuline, ou celle-ci est mal assimilée par l'organisme. En résulte une hyperglycémie chronique qui fait peser des risques sérieux sur la santé.
Il existe deux types de diabète :
Le diabète de type 1 se manifeste dès l'enfance ou l'adolescence, et se caractérise par une absence totale de production d'insuline.
Le diabète de type 2 apparaît généralement après l'âge de 40 ans, conséquence de mauvaises habitudes alimentaires et d'un manque d'activité physique. Le pancréas continue à produire de l'insuline mais en quantité insuffisante.
Le diabète gestationnel peut également se déclencher pendant la grossesse et disparaît habituellement après l'accouchement.
Une glycémie est dite normale si elle est située entre 0.70g/l et 1.10g/l à jeun. Le diabète est diagnostiqué lorsque la glycémie dépasse 2 g/l ou qu'elle est supérieure à deux reprises à 1.26 g/l.
Les symptômes typiques du diabète (soif intense, urine abondante et sucrée) ont été associés très tôt au diabète : il y a 4000 ans avant J-C en Chine, cette maladie était déjà connue sous le nom d'urine de miel ou urine sucrée. Le texte le plus ancien qui fait mention du diabète est le papyrus d'Eber, écrit en 1500 ans avant J-C. Durant l'Antiquité, les grands noms de la médecine, tels que Aristote ou Claude Galien, s'intéresseront eux aussi au diabète sucré.
💡Le saviez-vous ? Le mot diabète vient du grec ancien διαβήτης, « diabète » , lui-même tiré du verbe grec διαβαίνω, « passer au travers » , qui renvoie aux symptômes les plus fréquents de cette maladie, à savoir la soif intense et l'urine abondante. |
En 1776, un certain Dolson parvient à isoler le sucre des urines, permettant ainsi de mesurer la glycosurie (présence de glucose dans les urines).
En 1869, la compréhension du diabète marque une nouvelle avancée grâce à un biologiste allemand, Paul Langerhans (1847-1888), qui décrit pour la première fois les îlots de Langerhans. La connaissance de ces cellules présentes dans le pancréas est essentielle, car ce sont elles qui produisent l'insuline indispensable à la régulation de la glycémie.
20 ans plus tard, en 1889, deux médecins allemands, Oskar Minkowski et Joseph von Mering, découvrent que l'ablation du pancréas d'un chien conduit à un diabète de forme grave.
1921 : découverte de l'insuline
1921 marque un tournant décisif dans la lutte contre le diabète. Cette année-là, un professeur roumain, Nicolas Paulesco, publie un rapport concernant une substance contenue dans le pancréas, qu'il appelle pancréine, et qui permet de d'abaisser la glycémie chez des chiens rendus diabétiques par pancréatectomie : cette substance n'est autre que l'insuline. En raison des effets secondaires constatés, aucun essai n'est réalisé sur l'homme.
💡 Bon à savoir « Insuline » provient du latin : insula, « île », car cette substance pancréatique est produite au niveau des îlots de Langerhans. |
La même année, Charles Gardin parvient à faire baisser le taux de sucre dans le sang à 6 patients (dont 4 diabétiques) en leur injectant par voie intraveineuse un extrait pancréatique de porc.
Leonard Thomson et les débuts de l'insulinothérapie
Nous sommes en 1922. Leonard Thomson, alors âgé de 14 ans, est admis à la clinique pour diabétiques du Dr Walter Campbell, à Toronto au Canada. Son état est grave : il est plongé dans un coma diabétique, ne pèse que 30 kilos et son apport calorique quotidien ne dépasse pas 450 kcal. Il est condamné, comme n'importe quel diabétique à cette époque, à une mort certaine.
En désespoir de cause, le père du jeune homme accepte qu'on lui injecte un extrait pancréatique de bœuf, selon une préparation mise au point par Frederick G. Banting et Charles H. Best en 1921. La première injection est peu concluante : si la glycémie baisse légèrement (de 4,4 g/L à 3,2 g/L), cela n'est pas suffisant et l'état de Leonard ne s'améliore pas. De plus, un abcès apparaît là où a été effectuée l'injection, conséquence de la présence d’impuretés dans les extraits.

Photographie de Leonard Thomson (non datée) © Thomas Fisher Rare Book Library, University of Toronto.
Une nouvelle préparation - plus pure - est injectée au patient à différentes reprises pendant plusieurs jours. Et cette-fois, les résultats sont probants : la glycémie passe de 28,9 à 6,7 mmol/L et la glycosurie chute à zéro. Surtout, une amélioration clinique exceptionnelle est notée chez le jeune Leonard, qui finira par sortir quelques mois plus tard de l'hôpital dans un état stable. L'histoire de Leonard est le début d'une révolution médicale qui va bouleverser l'existence des personnes atteintes du diabète, et dont la vie est désormais préservée grâce à l'insulinothérapie.
Des traitements qui ne cessent de s'améliorer
Dès 1923, l'insuline commence à être produite et commercialisée, à partir du pancréas de bœuf et de porc. En 1955, pour la première fois dans l'histoire des protéines, le biochimiste anglais Frederick Sanger parvient à décrire la structure chimique complète de l’insuline. Il en ressort qu'il existe des différences entre l’insuline humaine et les insulines animales, jusqu'alors utilisées dans le traitement contre le diabète. Il faudra attendre 1982 pour que la première insuline humaine soit mise sur le marché. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la qualité de l'insuline administrée aux diabétique ne cesse de s'améliorer, laissant entrevoir l'espoir de trouver, à terme, un moyen de vaincre totalement la maladie.
L'histoire de la lutte contre le diabète en quelques chiffres
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L'auteur : Sylvain Guillet est rédacteur Web santé et diététique, et le créateur de l'agence Nutrimots. Il met son expérience et ses compétences au service de l'amélioration des pratiques alimentaires, grâce à une approche claire et rigoureuse du monde de la nutrition. |